GERARD DUTRIAT

26/04/2008


Gérard Dutriat, chercheur authentique

Le 23 mai 2006, à l’hôpital de Narbonne, un vénérable autodidacte, Gérard Dutriat, vieil habitué bien connu du petit monde des passionnés de Rennes-le-Château nous quittait, emporté par la maladie et laissant derrière lui une des plus longues carrières de chercheur de trésors, dans une fidélité constante aux mystères de la Haute Vallée de l’Aude. Ses obsèques se déroulèrent le samedi 27 mai 2006, en présence de sa famille et de ses amis, en l’église paroissiale de St André-de-Roquelongue, son village d’adoption au cœur des Corbières.
Arrivé à Rennes dès la première heure, Gérard Dutriat oeuvra durant plus de quarante ans et consacra son temps libre et ses congés à tenter de percer le secret du "Curé aux Milliards" et des prêtres du Razès ; toute une vie d’études et de prospections fort bien remplie.
Tous ceux qui ont connu Gérard Dutriat gardent de lui le souvenir d’un véritable chercheur, un vieux de la vieille comme on les aime, sympathique et volubile, généreux et sans malice, mêlant, dans ses conversations, la réalité historique, les légendes du lieu, et ses propres rêveries ; un passionné et un conteur né, un personnage très attachant, tenant toujours sa porte grande ouverte à tous les chercheurs, anciens et nouveaux, passionnés par cette énigme et en quête du trésor de l’Abbé Bérenger Saunière.
Gérard Dutriat est né le 25 août 1931 à Paris 6ème. Enfant, pris dans la tourmente de la guerre, il fut récupéré à la DASS par sa tante Suzanne qui l’éleva en Charentes dans les environs d’Angoulême.
Il s’engagea pour sept années dans l’armée de l’Air, de 1950 à 1957. Durant cette période, alors qu’il était en 1952 militaire au Maroc, il eut l’opportunité d’y visiter les ruines romaines de Volubilis. Ce fut certainement en ce lieu magique qu’il fut gravement "piqué" par un étrange insecte tropical qui lui inocula le mystérieux virus de la "Queste du Graal". De cette longue maladie, à la pathologie légère mais incurable, il ne put jamais guérir. Un des nombreux symptômes de cette affection passionnelle était chez lui de le faire rêver, nuit et jour, de coffres de pirates, de cryptes souterraines, de tombeaux templiers, de princesses endormies, d’or natif, de chapelles secrètes, de parchemins codés, de monnaies brillantes, de médailles étincelantes, de vaisselle d’argent, de bijoux d’or, de pierres précieuses, d’escarboucles éblouissantes, de vases sacrés, de reliques, de squelettes et de fouilles, tant en grande profondeur qu’au fond des étagères poussiéreuses des bibliothèques et des archives régionales…
Au cours de sa période militaire, en 1952, il obtint, de ses supérieurs, une permission pour rentrer en France, mais d’un temps trop court pour lui permettre de rejoindre les siens en région parisienne. Un de ses compagnons de casernement l’invita à venir passer cette permission au domicile de ses parents, à Perpignan. C’est là qu’il entendit parler pour la première fois de l’abbé Bérenger Saunière. Le père de son ami venait de lire un article paru dans la presse locale racontant l’énigme de Rennes-le-Château. Après en avoir longuement discuté au cours du dîner, ils décidèrent d’y monter en excursion, dès le lendemain. C’est ainsi que Gérard Dutriat en compagnie de ses deux amis, père et fils, gravirent la colline privilégiée de ce mystérieux oppidum de Rennes et découvrirent son château ruiné du IVème siècle et son église Ste Marie-Madeleine au riche décor étonnement chargé d’une insolite statuaire St sulpicienne, le domaine du curé, du haut duquel on peut contempler le paysage alentour, sauvage et tourmenté, pareil à un tableau de Nicolas Poussin. Nos trois amis purent aussi admirer les curieuses constructions du curé bâtisseur, la villa Béthanie, le parc bordé d’un mur de rempart en terrasse, allant de la Tour Magdala jusqu’à l’orangeraie. Au cours de leur promenade, ils eurent la surprise et le privilège d’être accueillis au presbytère par Mademoiselle Marie Dénarnaud, l’aide-au-prêtre de l’abbé Bérenger Saunière, le dernier curé à avoir été installé à Rennes ; Mademoiselle Marie offrit un bon café et quelques biscuits à ses trois visiteurs.
Après avoir terminé sa période militaire à Cognac, Gérard Dutriat fit carrière de 1957 à 1986, dans un emploi de contrôleur en carrosserie aux usines automobiles de Poissy en Yvelines : Ford puis Simca, devenues Chrysler, Talbot, et Peugeot. C’est là qu’il fit connaissance d’un autre ancien chercheur de trésor, Jean Lecousse, qui, après de longues années d’absence, revient ces derniers temps dans la région des deux Rennes, tenaillé par ses vieux démons gardiens de trésors, hanté par le souvenir nostalgique de l'atmosphère de ses jeunes années. Gérard Dutriat vécut longtemps à Paris et en Seine-Saint-Denis, mais lorsque sa retraite fut venue, toute la famille vint définitivement s’installer dans l’Aude, à Saint André-de-Roquelongue, au sud de Lézignan-Corbières. Arrivé-là, ses recherches passèrent à une vitesse supérieure par l’achat sur le territoire de la commune de Rennes-le-Château d’un terrain jouxtant la Fount-del-Aousi, à proximité des deux "tours" de "la ville basse". Sur ce terrain, Louis Fédié, un des premiers historiens de l’ancienne Rhedae wisigothique, la capitale régionale de la Septimanie (qui s'appelait aussi la Gothie, ou encore le Rhedesium ou Pagus Rhedensis) y voyait l’emplacement d’un antique couvent d’hommes qui, selon la tradition locale, était garni de moyens de défense et s'élevait près de l'entrée de la ville, du côté du levant, sur l’enceinte fortifiée de "la ville basse" de Rennes. En ce lieu des temps farouches, consacré par quelques siècles d’oraisons monacales, Gérard Dutriat effectua quelques fouilles en compagnie de son fils Christian, là où le sous-sol laisse deviner les fondations de l’ancien monastère.
Après son unique rencontre avec Mademoiselle Marie, Gérard Dutriat ne revint à Rennes-le-Château qu’en 1964, soit douze ans plus tard ; cela certainement à la suite de l’émission du jeu télévisé de la R.T.F. "La Roue Tourne" du 29 avril 1961, après quelques lectures d’articles de presse traitant de la recherche de trésors sur les revues : Point de vue, Noir et Blanc, Tout Savoir etc. Comme beaucoup, Gérard Dutriat devait écouter avec assiduité et passion l’émission radiophonique de France-Inter "Le Club des Chercheurs de Trésors", animée par son président Robert Charroux, et plus spécialement celle où il se rend à Rennes-le-Château en compagnie du journaliste Robert Arnaut, en juillet 1962, pour rencontrer et interviewer Noël Corbu, le nouveau propriétaire du domaine qui leur raconta l'histoire du curé de Rennes. La même année, Robert Charroux publiait "Trésors du monde enterrés, emmurés, engloutis" dans lequel il retrace le témoignage du restaurateur de l’hôtel "La Tour".


G.Dutriat

Gérard Dutriat

Depuis, pour les vacances scolaires, toute la famille Dutriat venait camper dans la Haute Vallée de l’Aude, à Espéraza, Granès, Rennes-les-Bains et dans les villages alentours. Ainsi, chaque année, Gérard Dutriat rendait visite à son ami Henri Buthion, qui avait succédé à Noël Corbu en novembre 1965 comme propriétaire du domaine de l’abbé. Les deux familles devinrent amies, mais elles eurent chacune à souffrir de la trop débordante et enivrante passion de leurs "pater familia" respectifs. Ensemble, Henri Buthion et Gérard Dutriat effectuèrent plusieurs fouilles dans le domaine de l’abbé, dont en particulier l’évidement d’un ancien puits d’accès situé en rez-de-chaussée, sous l’escalier de l’orangeraie.
C’est aux premiers jours du printemps 1966, à l’occasion d’une de ces rencontres estivales que fut découvert le cryptogramme du "Sot pêcheur". Selon un récit découvert dans ses archives personnelles, Gérard Dutriat raconte qu’après avoir fouillé et démonté le tabernacle de l'église paroissiale sans grand succès, nos deux associés décidèrent de "fouiller" celui de la petite chapelle de la villa Béthanie. A cette époque et après la découverte du cryptogramme, Henri Buthion démonta entièrement le petit maître-autel de l’oratoire privé de l’abbé, et il effectua une fouille profonde à l’emplacement de l’autel. Tout au long de son séjour à Rennes, soit plus d’une trentaine d’années, il entreprit la fouille systématique de tout le domaine avec différentes équipes de chercheurs qu’il changeait souvent, comme le faisait l’abbé Saunière, pour conserver une certaine discrétion sur les recherches. Henri Buthion y creusa de nombreux terrassements et autres cavités, en différents lieux du domaine, comme à l’intérieur de tous les bâtiments existants : Eglise, sacristie, presbytère, villa Béthanie, tour Magdala, orangeraie et allée couverte.

Circonstances de la découverte 

« Ce matin-là, arrivé tôt de Paris, Buthion qui est venu me prendre à la gare de Couiza-Montazels me répète en me montant à Rennes comme un "leitmotiv", une phrase que l’abbé B. Saunière lui aurait révélée par médium interposée :
"L’essentiel est dans le tabernacle et la clef, je l’ai mise dans l’église."
Ma valise à peine déposée dans la chambre, il me conduit à son chantier, en l’occurrence la chapelle du domaine, puis mandé par sa femme il s’éclipse. Je vois qu’il a descellé la petite plaque de marbre blanc qui coiffe le tabernacle sur deux colonnettes. Armé d’une perceuse électrique à laquelle j’ai inséré une longue et fine mèche au titane, j’attaque le plâtre sous-jacent en biais dans la voussure du tabernacle. Soudain la mèche débouche dans un creux. Je coupe la rotation et dépose la perceuse. Ensuite j’écroule au pic une grande partie du plâtre que je retire à la main ; parmi ces débris, un conglomérat qui, à la brisure, laisse voir en partie une petite momie enroulée de bandes de papier journal collé et très jauni et friable au contact du plâtre. A l’intérieur, un vieux tube de papier bouché de cire rouge aux extrémités. Après avoir brisé ces bouchons au marteau, j’extrais les 2 opercules et libère le document. ».
Nature du document
« Découvert le lundi 11 avril 1966 à 11h 30 du matin, ce document semble renfermer le principal legs laissé par Saunière à la postérité.
Extrait des conglomérats de plâtre de la voussure du tabernacle, son aspect rudimentaire n’enlève rien à l’ingénieuse imagination de Saunière.
Il est constitué d’un tube de bambou bouché à la cire et scellé dans le plâtre, sectionné inter nœuds pour laisser place à deux cavités dans lesquelles étaient insérées, côté droit et côté gauche, les deux parties du document.
La 1ère partie du document est une feuille à petits carreaux à lignes rouges qui une fois pliée sur elle-même, fait 100 X 75 mm, roulée sous la forme d’une cigarette de 12 à 15 mm de diamètre.
Sur une face est inscrite à l’encre noire ponctuée de lettres à l’encre rouge le texte "Sot Pêcheur". Au verso une grille carrée de 64 cases vides oblitérées de 11 cases noires.
La partie repliée comporte 67 mots mêlés à l’encre noire.
La 2ème partie du document comporte un processus identique mais au verso deux grilles carrées de 64 cases vides.
La partie repliée comporte recto verso 67 mots mêlés à l’encre noire.
Les 2 extrémités de l’étui en bambou sont operculées et rendues étanches par un bouchon de cire rouge retenu par une gorge interne.
L’objet était emmailloté dans des bandes de papier journal "La Croix" collées bien que brûlé et friable, un encart en minuscule d’imprimerie délivrait une date 1907. ».
« La formule "L’essentiel est dans le tabernacle et la clef, je l’ai mise dans l’église " peut se traduire par l’explication et le parcours pour atteindre le dépôt qui se trouvent dans le cryptogramme du "Sot pêcheur". Mais la clef de décodage du cryptogramme se trouve cachée dans la décoration de l’église. Quoiqu’il en soit, nous en saurons bientôt un peu plus car avant sa mort, l’abbé a caché en un lieu de son "domaine" non privé et accessible au public, un coffre en fer blanc bitumé pour être préservé de la corrosion, et contenant un mémoire autobiographique de la vie de l’abbé, non seulement pour livrer le secret de sa vie mais aussi pour sa réhabilitation personnelle au sujet du secret de cette découverte qu’il n’a ni volé ni escroqué. Pour accréditer le tout, l’abbé y a adjoint quelques bijoux anciens découverts dans les souterrains du domaine. ».
« Ce petit cryptogramme, à la lecture difficile, fut précieusement rangé dans un cahier par Henri Buthion, en plus de divers papiers ayant appartenu à l'abbé. Ce document allait devenir le fameux manuscrit "Sot pêcheur". ».

Le témoignage précédant de Gérard Dutriat a été découvert dans ses archives privées aimablement mises à disposition par son fils Christian. Il me semble nécessaire d’ajouter quelques points de détail qu’il m’expliqua lors de nos longues conversations téléphoniques passées. Voici sa version de l’histoire de Rennes-le-Château et de son curé :

A cette époque, les premiers chercheurs ne rêvaient que de découverte de trésors. On ne parlait pas encore de parchemins codés et de cryptographie, hormis Noël Corbu qui, dans son manuscrit de 1962 "La Puissance et la Mort", raconte que lors des travaux de l’abbé dans l’église, le maçon Nazaire Babou apprend à tout le village que l'on a découvert des rouleaux contenant des parchemins. Le Maire vient voir le curé, qui, sans difficulté, les lui montre, mais il n'y comprend rien, et le curé n'a aucun mal pour lui prouver que ce sont bien des papiers sans grande valeur autre que spirituelle, puisqu'on y lit des extraits d’Evangiles de St Mathieu, de St Luc, de St Jean. Il s'agissait de parchemins dont le curé se saisit. Il déclara - c'est un témoin qui parle - qu'il allait les lire et les traduire s'il le pouvait -. Le maire, informé du fait, demanda la traduction au curé ; celui-ci peu après lui en confia une écrite de sa main. Le texte traduit se rapportait, parait-il, à la construction de l'église et de l'autel. On ne sait pas ce qu'est devenu le document.

Le Maire n'insiste pas, mais le curé souhaitant plus de discrétion sur ses travaux et craignant de nouveaux bavardages du maçon Babou sur d’éventuelles nouvelles découvertes, changea le calendrier de ses travaux. Sous le prétexte d’un urgent départ en voyage, Monsieur le curé fit immédiatement interrompre les travaux sur la raison qu’il ne pourrait les surveiller et aussitôt, il renvoie les ouvriers. Dans les jours qui suivirent la découverte de ces documents, l’abbé Saunière rencontra son confrère du Bézu et certainement celui de Rennes-les-Bains. La tradition locale raconte qu’il monta à St Sulpice pour rencontrer et se faire aider d’un expert ecclésiastique pour tenter de décoder ces précieux documents. Il est nécessaire que l’abbé Bérenger Saunière ait été choisi, promu et nommé curé au village du Clat sur le plateau de Sault, et ensuite à Rennes, pour suivre les traces et le parcours d’un de ses prédécesseurs, l’abbé Antoine Bigou. Plus d’un siècle avant l’abbé Saunière, l’abbé Bigou fut, lui aussi, curé du Clat et ensuite de Rennes-le-Château, depuis le 9 novembre 1774. Il prêta, le 20 janvier 1791, le serment à la constitution civile du clergé avec restrictions, serment qui fut refusé. Il fut alors obligé de s’exiler vers l’Espagne à la suite de la loi du 26 août 1792, et fut remplacé par l’abbé Camps, curé constitutionnel. Avec l’abbé Cauneille, son confrère de Rennes-les-Bains, et une trentaine d’autres prêtres, l’abbé Bigou fuit la Terreur et rejoint l’évêque d’Alet, Monseigneur de La Cropte de Chantérac. L’abbé Bigou et l’évêque moururent à Sabadell près de Barcelone.

Mais revenons au village de Rennes-le-Château sous lequel un réseau de galeries souterraines complétait le système de défense et de protection de l’ancien château wisigoth qui se situait sur l’emplacement de l’actuel domaine Saunière. Jusqu’au XIIème siècle, tout le village était protégé par des remparts et des fortifications avec deux châteaux d’époque wisigothique, le premier situé au levant avec pour fonction de protéger l’entrée de la cité fortifiée et le second plus massif situé au couchant pour protéger le flanc Ouest du village. Cette forteresse située sur le point le plus élevé du village, était entourée de quatre tours massives et il englobait le domaine Saunière, l’esplanade en terrasse entre le domaine Saunière et le parking du château d’eau, la villa Béthanie et les jardins de l’autre côté de la rue. Ce château englobait aussi l’espace du cimetière actuel et l’ancienne chapelle comtale devenue l’église paroissiale Ste Marie Madeleine. Il est probable que suite à un siège et à la prise de la cité par les assaillants, ordre fut donné de désarmer et démanteler entièrement cette citadelle, sauf le lieu consacré qu’était la chapelle comtale, et que les ruines furent utilisées comme carrière pour réutiliser les pierres taillées pour la reconstruction du village et la construction du château actuel au XIVème siècle restauré et agrandi au XIVème. Sur le flanc ouest du château actuel, subsiste une casemate ancienne en murs très épais qui semble être le seul vestige en élévation du village datant de l’ancien fort ou tout au moins des fortifications médiévales de Rhedae.

S’il ne reste pas beaucoup d’appareillage défensif et de vestiges de l’ancienne capitale wisigothique, le réseau défensif souterrain par contre est resté intact mais inaccessible. Tous les accès à ces souterrains et au tombeau des Seigneurs, dont l’entrée se trouvait dans l’église près du balustre, furent obstrués en 1739 par l’abbé Jean Bigou, oncle d’Antoine, suite à l’extinction de la noble lignée des Haupoul de Rennes, suite à la mort, en bas âge, du jeune Joseph d’Haupoul, le 8 mars 1739 (l’abbé Jean Bigou, né en 1702, peut-être à Sournia (66), fut curé à Rennes de 1736 à 1774. Il y décède le 30 septembre 1776). Plus d’un siècle plus tard, après l’exil de l’abbé Antoine Bigou, c’est pour atteindre ces souterrains qu’une certaine autorité de l’Eglise catholique manda l’abbé Saunière dans l’espoir qu’il retrouve ces souterrains. Pour cela il effectua plusieurs fouilles dans le cimetière et d’autres travaux en profondeur pour découvrir un nouvel et discret accès, mais cela est une autre histoire.

Revenons à notre ami Dutriat : Lors de la découverte du document Sot Pêcheur, Gérard Dutriat était seul car Henri Buthion venait de se faire rappeler à l’ordre par son épouse pour aller aider aux cuisines du restaurant "La Tour", plutôt que de dilapider son temps en de vaines et stériles recherches…
Après sa découverte, ce document n’avait pas plus de valeur pour Gérard Dutriat que s’il s’était agi de vulgaires mots croisés parce qu’à l’époque personne à Rennes-le-Château ne parlait de cryptographie, pas plus que de documents codés. Après l’avoir longuement étudié sans grands résultats avec Henri Buthion, ce texte manuscrit rédigé sur un papier d'écolier quadrillé de couleur rouge, fut finalement rangé par ses inventeurs dans un dossier constitué d’un cahier comportant divers "papiers" et documents ayant appartenus à l'abbé Bérenger Saunière.

C'est à cette période glorieuse que l'écrivain journaliste Gérard de Sède, qui fréquentait Rennes-le-Château et l’hôtel-restaurant "La Tour" depuis 1964, sur l’inspiration de son épouse Sophie, à la recherche de toute information sur les mystères du Razès, découvrit ce précieux cryptogramme grâce à Henri Buthion qui voulut bien le lui montrer car Gérard de Sède avait déjà pris contact avec des réservistes de l’armée, spécialistes du chiffre, le commandant Lerville et son ami Vilcoq, pour tenter de décrypter les deux parchemins "Saunière" et divers autres documents codés dont personne ne connaît l’origine. C’est là encore, toujours selon Gérard Dutriat, que Sophie de Sède put retranscrire le cryptogramme sur calque, dans une chambre de l’hôtel "La Tour" (La villa Béthanie). Or, à la suite d’une de ces nombreuses visites, le cryptogramme disparut comme beaucoup d’autres documents, et en 1967, il fut communiqué pour la première fois au public par Gérard de Sède dans son ouvrage "L'Or de Rennes ou la vie insolite de Bérenger Saunière, curé de Rennes-le-Château". Plusieurs versions du "Sot pêcheur" furent ensuite publiées par le même auteur dans ses différents ouvrages (L'Or de Rennes en 1967, Le trésor maudit en 1968, Signé Rose + Croix en 1977) avec quelques variantes dues aux contraintes d’imprimerie (?).

Parmi les nombreux ouvrages traitant de Rennes-Le-Château, quelques auteurs seulement évoquent ce document : Jean-Pierre Monteils dans Le dossier de Rennes-le-Château, Tatiana Kletzky-Pradère dans Rennes-le-Château, guide du visiteur, Roger Boonaert dans Le cryptogramme de Saunière (Trésors de l'Histoire, Prospection n° 31), Alain Féral dans Rennes-le-Château clef du royaume des morts, Patrick Mensior dans L’Extraordinaire secret des prêtres de Rennes-le-Château et encore quelques autres. Mais curieusement, selon les ouvrages, la présentation du document diffère, notamment dans ceux de Gérard de Sède.

Devant plusieurs versions, il est difficile de construire une étude sérieuse, car peu de tentatives de décodage méritent d’être considérées avec sérieux. Malgré tout, l'histoire officielle nous rapporte que le manuscrit Sot pêcheur est une note curieuse de par son style, l’original ayant été écrit à la main sur un papier d'écolier. Heureusement, parmi tous ces modèles, une constance dans le texte se dégage.
Dans L’Or de Rennes ou la vie insolite de l’Abbé Bérenger Saunière par Gérard de Sède, éditions Julliard (1967) p. 67, se trouve une reproduction du cryptogramme avec ponctuation - "Document trouvé dans les papiers de l’Abbé Bérenger Saunière." :

+.CUIT.,IL+NE+LUI+RESTA+QUE+L’ARETE.+ (l’arête, c’est le cadre !) (absence du W).
XXV+FOIS+LE+GOUTA

P.136 : « Le texte est chiffré par une transposition à double clef (en réalité double transposition) puis une transposition au moyen d’un échiquier. Au chiffrement proprement dit, l’auteur a ajouté un rebus – une erreur a été introduite à dessein pour déjouer les tentatives de déchiffrement. ».

Le rebus est à l’intérieur du cadre et explique le déchiffrement du cadre qui l’entoure.

Pour le décryptage du Sot pêcheur, Gérard Dutriat avait repris à son compte les travaux de son ami Roger Boonaert et il croyait mordicus que ce texte codé conduisait le chercheur à l’aven des Lagastous. Voici deux versions de ces travaux de décodage pour lesquelles, il me semble trop acrobatique et vain de tenter d’expliquer le mystérieux cheminement :

1°) - 1ère grille aux 11 cases noires décryptée à partir de l’entourage du "Sot pêcheur" …

TRESOR ROYAL A SALOMON, AUX LAGASTOUS,
ENGLOUTI DANS UNE ENIGMATIQUE CAVERNE.

2°) - TRESOR DEPLACE EN 1646 PAR PAVILLON SUR ORDRE DU PAPE
APPARTENANCE ROI SALOMON
AU LU DU DOCUMENT MARAVAL UNIQUE DISPARU EN 1965
REPOSE AUJOURD’HUI IMMERGE DANS UNE CAVERNE
DU PLATEAU KARSTIQUE AUX LAGASTOUS.

Ce décodage est à considérer avec la plus grande prudence, mais il dénote bien de l’esprit enjoué de Gérard Dutriat.

Laissons encore parler ses archives personnelles au sujet de l’aven des Lagastous, en un feu d’artifices verbal dont lui seul avait le secret :

« …Après le glissement de terrain de 1789, le chêne vert "l’arbre aux secrets" libéra son texte emprisonné dans ses racines à l’exemple d’une serre d’aigle.
Il n’est pas impossible que le vieux fermier Antoine Arthozoul ait mandé Monsieur le Curé Antoine Bigou, le propriétaire en titre pour savoir ce qu’il fallait faire en cette occasion.

Des petits coins d’acier fortement émoussés par la frappe du marteau ont été retrouvés sur place en 1988.

Au printemps 1936, un fort séisme, classé 7 sur l’échelle ouverte de Richter, ébranle l’Occitanie. Deux fortes secousses séparées de quelques secondes provoquent l’effondrement de l’entrée de la grotte des Lagastous, renvoyant aux calendes grecques tout espoir d’y pénétrer.

Une photo publiée dans "Le Midi Libre" en 1987 offre cette lamentation.

En scannérisant le sol à la verticale de la grotte, je m’aperçois sur le relevé, que seul le prolongement de la faille initiale peut, en déblayant la terre qui s’y trouve, constituer un accès pour une seule personne.

Pour cette opération 1500 kg de terre seront enlevés et plus tard ramenés pour combler le trou.

Me basant sur les deux rouleaux de cuivre de la "Grotte 3 Q 15" de Quirbet Qumran, 300 talents d’or, soit 104.534, 5kg, soit au cours du 26/11/2003 110.078.700 €.

Vu l’impressionnant effectif présent sur le site, une demande est formulée en Mairie.

L’un derrière l’autre, deux plongeurs équipés en vidéo câblée, se jettent à l’eau pour explorer le gouffre ; leur périple est suivi sur écran en haut de l’ouverture.

En ce jour de printemps 1993, la sentence tombe comme un couperet, hormis le coffre très enfoncé, l’espace éclairé par les puissantes lampes marines, est vide de tout trésor. ».


Comme pour la plupart des éléments qui composent l'affaire de Rennes-Le-Château, personne ne peut affirmer avec certitude que c’est bien l’abbé Bérenger Saunière qui a composé le texte du Sot pêcheur, mais son contenu et les circonstances de sa mise au jour le laissent fortement penser.

Gérard Dutriat échangeait les fruits de ses recherches avec beaucoup d’autres chercheurs par des rencontres suivies, des échanges de courriers et de nombreux contacts téléphoniques.

Parmi ses correspondants réguliers se trouvaient le docteur Edmond Bastide, Jean Pellet, Gérard de Sède, Spiriton, Roger Boonaert, Georges Kiess, Jean Lecousse, Robert Bodin, André Pérussot, Jean de Rigny, Michel Laflandre et de nombreux autres encore aujourd’hui en activité…

Il connaissait aussi tous les lieux mystérieux du plateau de Rennes et des environs jusqu’à la montagne d’Alaric qui avait avivé sa curiosité naturelle : « Entre Alaric et Alaricou se trouve le trésor de trois rois ». Gérard Dutriat fut aussi le premier à me parler du parchemin d’Yves Maraval donné au chercheur québécois Bernard Sorrieule, concernant le déplacement d’un dépôt par trois personnes de Perpignan. Il fut encore le premier à me parler du tableau de St Antoine Ermite, "sans les tentations", au sanctuaire de Notre-Dame de Marceille près de Limoux.

Gérard Dutriat s’intéressa aussi beaucoup à l’abbé Antoine Bigou, curé de Rennes-le-Château qui dû s’expatrier lors des persécutions anti-cléricales, en pleine tourmente révolutionnaire. Il effectua des recherches à Sournia (66) d’où l’abbé était natif, jusqu’à Sabadell où ce dernier mourut en exil.

J’ai retrouvé, dans les archives de Gérard Dutriat, un courrier d’une certaine Mme Eugénia Vives-Jenny Grau, rédigé le 11 septembre 1986 expliquant qu’elle a trouvé à la Bibliothèque de la Caisse d’Epargne de Sabadell, quantité de renseignements intéressants sur Monseigneur Charles de la Cropte de Chantérac, dernier Evêque d’Alet en exil à Sabadell, mais aucun document sur l’abbé Antoine Bigou, curé de Rennes. Cette personne explique que ses recherches à la Bibliothèque municipale de Sabadell n’ont pas été plus fructueuses.

Comme son ami Henri Buthion, Gérard Dutriat crut pouvoir avancer dans la compréhension de l’énigme de Rennes en s’appuyant sur les dons aléatoires de quelques voyantes et autres médiums rencontrés sur le plateau. Ce fut en vain.

Je garderai un excellent souvenir de cet aimable et pittoresque chercheur qui marqua cette énigme de sa propre contribution.

- Raymond Sagarzazu –