IMTERIM A ANTUGNAC 1890
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15/01/2008

Le 4 mai 1890, l'évêché de Carcassonne confie provisoirement à Bérenger Saunière, en plus de sa paroisse de Rennes-le-Château, celle d'Antugnac qu'il assurera durant une année. A l'occasion de son premier jour, il y fera le discours ci-dessous.


4 mai 1890.
Dimanche IV après Pâques. Ste Monique.
1er jour du double service à Antugnac.
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Messe basse à 8h - Procession dominicale - Prône.
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1ère instruction : - heureux de ce service - zèle et dévouement.
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Comme votre cher curé, Monsieur l’abbé Vernioles, mon vénéré
Prédécesseur à du vous le dire avant son départ, et comme moi-
Même j’ai eu l’honneur de l’écrire, il y a quelques jours, à M. le
Maire de votre commune, Monseigneur l’évêque de Carcassonne
Par l’intermédiaire de M. Fournier, son vicaire général, me
Charge du service de cette paroisse, à partir d’aujourd’hui
4 mai. Pour combien de temps ? Probablement jusqu’à ce que
vous ayez un curé.
Je ne saurai comment vous expliquer M. B. ch. F. la joie que
j’ai goûtée, le plaisir que j’ai ressenti, éprouvé à l’annonce
d’une telle nouvelle ! C’est pour moi, je vous l’avoue, un
honneur et un bonheur en même temps de pouvoir vous être
utile dans une semblable circonstance. Pourquoi cela ?
Il ne me sera pas bien difficile de vous en donner la raison.
Nous ne sommes pas des étrangers les uns vis à vis des
Autres ; Antugnac n’est pas pour moi un village inconnu.
C’est en quelque sorte un second pays natal.
Depuis longtemps dans les fréquentes visites que j’ai eu
l’honneur de vous faire à l’occasion des solennités religieuses,
je vous au vus à l’œuvre. J’ai appris à vous connaître,
à vous aimer et à vous apprécier à tel point que je
crois pouvoir dire aujourd’hui sans crainte de me tromper
qu’Antugnac est une paroisse modèle, exemplaire, une
paroisse profondément chrétienne ; en un mot, une de
ces rares paroisses qui ont conservé intacte leur foi et

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leurs principes chrétiens ……. Voilà pour vous.
Et moi, suis-je à vos yeux un étranger ? Je ne le crois pas. Vous
m’avez vu et connu tout jeune abbé, alors que nous venions,
mon frère et moi, assister à vos belles fêtes de l’Adoration perpé-
tuelle, à vos magnifiques visites pastorales.
Votre cher curé nous regardait comme ses enfants et nous, nous
voyons en lui un père. Il n’avait qu’à nous dire un mot, qu’à
nous faire un signe, et c’était avec le plus grand empressement
que nous répondions, il vous en souvient, à sa bienveillante
invitation et que nous accourions à son appel tout
paternel, pour l’aider, le seconder, soit dans la décoration
de l’église, soit dans les cérémonies augustes du temple saint.
J’avais donc raison de dire que nous sommes les
uns vis à vis des autres, non pas des étrangers, des inconnus
mais en quelque sorte des compatriotes. De vrais amis,
presque des frères.
Tout cela, comme je l’ai dit plus haut vous explique le bon-
heur que j’éprouve, que je ressens de pouvoir vous être utile ;
Oui m. B. a. f. j’en suis très heureux, et je vous assure,
dès aujourd’hui, que si le bon Dieu me conserve mes forces
et ma santé je ferai tout ce qui dépendra de moi pour
vous être agréable.
Votre paroisse ne sera pas pour moi une annexe, mais
une sœur de Rennes-le-Château ; je la servirai avec le
même zêle, la même charité, le même dévouement ; car
vous l’avouerais-je ? j’ai toujours eu un faible pour vous
autres ; j’ai toujours ressenti une vive sympathie pour
votre paroisse ; oui, j’ai toujours éprouvé la plus grande
affection pour les braves gens d’Antugnac ; et puisque
nous sommes ici tous en famille et que j’ai commencé
à me confesser, permettez-moi de terminer ma confession.
Pour ceci, par exemple, disons le bien doucement et

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gardez-vous de le répéter aux gens de Rennes. Dieu vous en pré-
serve : je nourrissais presque l’espoir d’être un jour votre curé.
Si le bon Dieu ne veut pas que mon désir se réalise, je pourrais
du moins me flatter d’avoir été votre vicaire.
Comptez donc m. B. ch. F. sur tout mon dévouement et sur
toute mon affection pour vous ; vous serez pour moi une
seconde paroisse que j’aimerai et que je servirai avec toute
l’ardeur dont je serai capable ; et, bien que comme vous le
savez, je ne sois tenu vis à vis de vous autres qu’à une
messe le dimanche, au prône, à l’instruction des enfants
et aux soins des malades quand vous viendrez me prendre,
le voisinage de Montazels me permet de faire davantage ;
plus que cela.
Je tacherai, en dehors du dimanche et des fêtes d’obligation
de venir dans la semaine pour le catéchisme de vos enfants,
pour confesser les personnes qui le désireraient et pour la visite
des malades, dont j’aurai, permettez-moi de vous le dire, un
soin tout particulier. Je ferai à ce sujet tout ce qu’il me
sera possible de faire, pour vous éviter la montée de Rennes.
Enfin, lorsque au jour des grandes fêtes ou dans une
solennité particulière vous désirez que je vienne vous faire
tous les offices, ou chanter les vêpres vous n’avez qu’à m’ex-
primer ce désir et je m’empresserai d’arriver : mais ceci, vous
le comprenez bien le plus rarement possible. Car il ne faut
pas oublier que je ne suis ni de fer ni de bronze. Pour
si robuste et si intrépide que l’on soit on finit par s’user
vite et tomber malade, si on veut trop faire. Je ne suis
pas immortel. Je suis sujet à la maladie et à la
souffrance et tout jeune que je suis et tout bien portant
que je parais, je suis déjà pas mal chargé de rhumatismes
et d’infirmités. De plus, n’ayant jamais fait de double
service, j’ignore si j’aurai assez de courage et de force pour
ce surcroît de travail.

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Bien loin donc d’être exigeants, vous serez raisonnables dans vos de-
mandes. Il vaut mieux donc, je crois commencer par peu et
aller en augmentant plutôt que de faire beaucoup au début
et d’être obligés ensuite de nous arrêter à moitié chemin. Ne
pas oublier le proverbe : qui trop embrasse, mal étreint.
Comme reconnaissance du zèle et du dévouement
Ainsi que du bien que je désire vous faire, je ne vous demande
pour le moment qu’une seule chose : l’assistance à la
messe les dimanches et jours de fêtes d’obligation.
Joie, bonheur, contentement du pasteur en voyant tout
son troupeau réuni pour l’office divin.
Votre soumission et votre obéissance à m’écouter et à sui-
vre les conseils que je vous donnerai sera la mesure de
mon zèle et de mon dévouement pour vous autres.
Lecture de l’Evangile.

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